INTELLIGENCE DES PLANTES
Les animaux et les plantes reçoivent des impressions sensorielles, observent, comparent, jugent, supputent, ce qui est la preuve de leur intelligence .
Quand les impressions ressenties par ses sens supérieurs mettent l'homme en difficulté, il parle d'instinct pour les animaux et d'intelligence extérieure pour les plantes, mais ce n'est là qu'une manière détournée de résoudre le problème .
L'intelligence des fleursIl est possible de développer les réflexes conditionnés du mimosa . Les plantes sont capables d'apprendre, tout comme les animaux, dit le Dr Armus de l'université de Toledo ; d'ailleurs les insectes et les végétaux ont une étroite parenté biochimique, mise en évidence par les stérols et les terpènes (alcools de secrétion) qui conditionnent leur physiologie et leur comportement .
"Les plantes, écrit Maurice Maeterlinck, ont recours à des ruses, à de combinaisons, à une machinerie, à des pièges qui, sous le rapport de la mécanique, de la balistique, de l'aviation, de l'observation des insectes par exemple précédèrent souvent les inventions et les connaissances de l'homme".
Il rapporte l'acte d'intelligence d'une racine observée par Brandis qui rencontrant l'obstacle d'une semelle de botte se subdivisa en autant de radicelles qu'il y avait de trous dans la semelle, puis, l'obstacle étant franchi, réunit et résouda toutes les radicelles pour en former ue racine unique et homogène .
L'auteur de L'Intelligence des fleurs, ayant hybridé et perfectionné des sauges, constata que la sauge arriérée adoptait volontiers les perfectionnements de la sauge avancée, alors que l'option inverse était généralement repoussée .
Elle peut même, pour protèger son espèce et préserver son code génétique, sécréter des toxines qui détruisent ou stérilisent les pollens étrangers . C'est du pur racisme dans le sens bénéfique du mot et une lutte contre le véritable péché : la détérioration de l'espèce .
La géniale orchidée
La pentecôte rose ou orchis à larges feuilles, qui pousse ans les prés humides en avril et en mai, a une fleur qui ressemble à une gueule fantastique et béante de dragon chinois .
Au fond de cette gueule, on peut voir deux stigmates soudés, surmontés d'un troisème qui porte à son extrémité une demi-vasque pleine d'un liquide visqueux . Dans cette étrange piscine, trempent deux ovules, dont chacun est pourvu d'un paquet de grains de pollen .
Lorsqu'un insecte se pose sur la lèvre inférieure qui se présente comme un reposoir, il est irrésitiblement invité par l'odeur du nectar à pénétrer au fond de l'urne .
C'est là que l'orchidée, démontre sa connaissance magistrale de l'architecture, sans pour autant postuler à la Légion d'honneur et agiter le fantôme du Nombre d'or : à dessein elle a rétréci à l'extrême le conduit menant au nectar, si bien que la tête de l'insecte, obligatoirement, heurte la demi-vasque .
Comme sous l'effet d'un signal électroniquee, elle se déchire alors, mettant en évidence les deux ovules qui se trouvent ainsi en contact immédiat avec la tête du visiteur et s'y collent par le liquide visqueux qui les enduit .
L'insecte boit du nectar et se retire à reculons, non pas comme il était venu, mais affublé de sortes de cornes formées par les ovules et les deux tiges qu'ils comportent pour soutenir les paquets de pollen .
Il va ensuite butiner une fleur voisine, s'y introduit de la même façon, cornes en avant et l'on pourrait penser que le pollen de la première plante va féconder la seconde !
Pas du tout : pollen contre pollen ne donnerait lieu à aucun engendrement !
Maeterlinck écrit " Ici, éclate le génie, l'expérience et la prévoyance de l'orchidée . Elle a minutieusement calculée le temps nécessaire à l'insecte pour pomper le nectar et se rendre à la fleur prochaine, et elle a constaté qu'il lui fallait en moyenne trente secondes .
"Nous savons que les paquets de pollen sont portés sur deux courtes tiges qui s'insèrent dans les boulettes visqueuses ; or, aux points d'insertion se trouve, sous chaque tige, un petit disque membraneux dont la seule fonction est, au bout de trente secondes, de constater et de replier chacune de ces tiges, de manière qu'elles s'inclinent en décrivant un arc de 90° . " C"est le résultat d'un nouveau calcul, non plus dans le temps, cette fois, mais dans l'espace "
Les cornes de pollen coiffant l'insecte se mettent donc à l'horizontale et pointent en avant, si bien qu'à la prochaine visite de corolle, elles iront avec une exactitude rigoureuse, féconder les stigmates que surplombe la vasque .
Pas mal imaginé, n'est-ce pas, pour une simple petite fleur dépourvue d'intelligence !
mais ce n'est pas tout ; "Le stigmate qui reçoit le choc du paquet de pollen est enduit d'une substance visqueuse . Si cette substance était énergiquement adhésive que celle renfermée dans la petite vasque, les masses polliniques, leur tige rompue, s'y englueraient, y demeureraient fixes tout entières, et leur mission serait terminée .
"Il ne faut pas que cela arrive, il importe de ne pas épuiser en une seule aventure les chances du pollen, mais de les multiplier autant que possible .
"La fleur, qui compte les secondes et mesure les lignes, est chimiste par surcroît et distille deux espèces de gomme ; l'une extrêmement agrippante et durcissant immédiatement au contact de l'air, pour coller les cornes à pollen sur la tête de l'insecte, l'autre très diluée, pour le travail du stigmate"
En bref, cette gomme a l'adhésivité idéale pour coller quelques graines mais non toute la masse pollinique, de façon à permettre à l'insecte d'aller féconder de nombreuses autres fleurs .
Quel cerveau intérieur ou extérieur à l'animal a mis au point cette merveilleuse mécanique et de plus a pris l'initiative de nouvelles précautions ; lorsque la membrane de la vasque s'est déchirée pour libérer les ovules visqueux, elle a aussitôt relevé sa lèvre inférieure afin de conserver précieusement le reliquat de pollen laissé par l'insecte . A quoi bon gaspiller !
Toutes les plantes ont cette intelligence diffuse, de leur racines qui prospectent, évitent, traversent, choisissent, jusqu'à leurs fleurs qui savent déjouer les ruses des insectes, sécréter des odeurs aphrodisiaques propres à les attirer et à les tromper . Leur intelligence est formelle, évidente, parfois aussi prononcée que chez les animaux dont le degré de complexité est pourtant nettement plus avancé .
Source Robert Charroux